Le père de l’euro n’est pas content. L’ancien président de la commission européenne, auteur d’un rapport qui enfanta le traité de Maastricht vient de sévèrement tacler les dirigeants européens, qui ne seraient pas à la hauteur de la crise actuelle, dont il porte pourtant la responsabilité…
Delors contre Delors
Il y a quelque chose de tragi-comique à lire cette charge qui reproche aux Etats-membres de refuser les transferts de souveraineté que cette crise rendrait nécessaire. Car ce faisant, il admet que la construction qu’il a présidée et fait adopter est bancale et ne tient pas en l’état. Quelque part, le Jacques Delors de 2010 critique le projet du Jacques Delors de 1992 en affirmant que l’euro ne peut pas fonctionner avec les institutions qu’il avait lui-même élaborées...
Et quelle contradiction de le voir affirmer conjointement qu’il faut émettre des euro-obligations pour faire des grands travaux tout en sanctionnant les Etats dont le déficit est excessif d’une privation des fonds structurels ! Mais le comble est atteint quand il dénonce l’attitude de banques dont il a tant contribué à construire le pouvoir excessif, en promouvant la libre-circulation des capitaux ou « la concurrence libre et non faussée » qui a permis l’anarchie financière.
Un projet européen malhonnête et illusoire
Mais cette intervention présente un double intérêt. Tout d’abord elle démontre la malhonnêteté crasse de ce projet européen que dénoncent les opposants à Maastricht et à Lisbonne. En 1992, nous expliquions que l’euro était un projet politique plus qu’économique qui visait surtout à contraindre les Etats à construire une Europe plus fédérale. Les euros béats promettaient que non devant les caméras, même si quelques uns l’admettaient parfois en public. Nous y voilà aujourd’hui !
Un tel mode de fonctionnement est totalement inadmissible car il s’agit d’un grave déni de démocratie. Pire, ce déni est totalement inutile et illusoire. Ce ne sont pas des euro-obligations qui règleraient quoique ce soit. En quoi une nouvelle tranche de dette pourrait bien rassurer des investisseurs aujourd’hui inquiets du potentiel de croissance de l’Europe ? En outre, une avancée fédéraliste ne résoudra rien, comme le montre le cas de la Tchécoslovaquie, qui n’est jamais devenu une Zone Monétaire Optimale.
Merci à tout cas à Jacques Delors de montrer à la fois que cette construction européenne est mal conçue et ne peut pas fonctionner en l’état. Et merci également de montrer le fond de la pensée de ces dirigeants européens qui méprisent tant les nations et les peuples.
Laurent Pinsolle
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